Mère

Ana- Mère

 

Boghda Abdullah

 

 

A 90 ans atteints,

Les yeux ne voient plus très bien.

Parfois elle ne te reconnaît même plus,

Pour t’appeler,

Elle appelle quelqu’un d’autre,

Comme si elle voulait l'appeler.

 

90 étés,

90 automnes,

90 hivers,

90 printemps,

Sont passés,

Laissant des traces sur son front.

Ils ont coulé,

Comme de l’eau.

Maintenant,

Elle n’est plus maîtresse de sa vie comme avant.

 

Elle s’allonge sur le körpe,

 

Elle scrute l'entrée.

Si tu ne viens pas un jour,

Son cœur est lourd,

Elle a les yeux pleins de larmes,

Comme une enfant.

Ah!

Elle a tout vécu,

Maintenant elle est comme une passagère!

 

 

Le cœur est fragile,

Il ne supporte pas les vagues,

Comme l’eau qui ne peut porter le moindre métal.

Et bien donc,

Ne l’abandonne pas,

Ne l’oublie pas,

Va la voir !

Avec du sucré !

Avec du salé ! 

Parle avec elle,

Confie-toi à elle,

Sois son fils si elle n’a pas de fils !

Sois sa fille si elle n’a pas de fille !

Lave-la,

Peigne ses cheveux,

Masse son dos,

Masse ses pieds,

Même en faisant cela,

Tu ne peux même pas,

Payer,

Le coût de son lait d’une nuit, 

Même en prenant soin d’elle.

Si elle n’avait pas été là,

Où serais-tu ?

Où serais-je ?

Neuf mois,

Neuf jours,

Neuf heures,

Neuf minutes,

Elle nous a portés dans son ventre.

En faisant la cuisine,

En faisant le pain,

En faisant le linge,

En marchant…

Le monde tremblait sous ses contractions,

Comme le ciel fendu par les éclairs, 

Comme le grondement de la tempête !

 

 

Nous,

Son bonheur,

Son espoir.

Son présent,

Son futur.

Nous !

Sa renaissance.

Garçon,

Ou fille,

Nous !

On lui ressemble:

Nos yeux,

Nos sourcils,

Notre nez,

Notre bouche,

Semblables,

Comme une fleur ressemble à une autre.

 

 

Nos regards,

Nos cheveux noirs,

Notre sang,

Tout vient d'elle, était à elle…

Comme l’eau a une source.

L’Humain,

Est à la fois intelligent,

Mais aussi bête,

Il adore son enfant, mais pas autant sa mère.

La mère, elle, n’adore que son enfant :

Elle souhaite que tu touches le ciel,

Elle souhaite que tu parcoures la mer.

Elle souhaite voir ta réussite,

Comme un religieux qui prie sur son tapis.

Si elle trouve,

Un bonbon,

Une pomme,

Sa gorge restera serrée,

Elle ne mangera pas seule,

Elle veut que tu manges,

Elle ne veut pas que tu sois faible,

Comme un pigeon qui protège son petit.

 

 

Ayant atteint 90 ans,

Elle n’entend plus ce qu’on dit.

Plus de dents,

Le dos courbé.

Elle a mal à la tête,

Ses pieds n'arrivent plus à la tenir debout…

Pourtant,

Elle veut rester debout,

Elle veut encore marcher,

Elle veut jeter sa canne,

Elle veut marcher, comme les jeunes fringants.

 

 

La terre tourne,

Le temps s’envole, 

Au seuil d’aujourd’hui,

Demain l’attend.

Oui,

Tout se fane un jour :

L’Homme aussi,

L’arbre aussi,

Les oiseaux aussi…

 

Traduit par DR & Camille

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