Expérience à la préfecture
Sur ce blog, j’informe le public francophone de faits dont il n’a pas forcément conscience. Par exemple, les « français de souche » ne connaissent certainement pas les histoires qui peuvent se dérouler dans les préfectures. Les écrivains, les sociologues, les journalistes ou encore les scénaristes et les humoristes ne devraient pourtant surtout pas manquer ces lieux précieux, et où ils peuvent y trouver toutes sortes d’évènements.
Pour toutes les demandes, que cela concerne un titre de séjour ou un changement de statut, que vous habitiez proche ou loin de la préfecture, vous devez dans tous les cas prévoir de venir le plus tôt possible. En effet, dès cinq heures du matin vous allez déjà découvrir une longue queue devant la grande porte noire de la préfecture, qui ressemble d’ailleurs plus à une prison avec ses grandes barrières en fer. Vous avez un rendez-vous à 14h ? Si la préfecture de Paris respecte peut être les horaires, vous ne pouvez pas attendre cela de la part des autres : dans le dictionnaire de la préfecture, le mot « rendez-vous » n’existe pas. Elle vous donnera rendez-vous peut-être pour se montrer moderne et efficace, mais sans comprendre réellement ce que signifie ce terme. Donc peu importe que vous ayez rendez-vous ou non, vous devez de toute manière venir très tôt, à cinq heures, et même plus tôt si vous le pouvez. Et pour ceux qui, comme moi, viennent de loin en transport en commun, tant pis. De toute façon, le slogan de la préfecture est « Il faut attendre ». Les derniers tickets sont distribués à 9h du matin, et pour les gens qui arrivent après, plus de ticket, il faut revenir le lendemain matin, plus tôt. Pourtant, la préfecture n’ouvre qu’à 8h30 : la longue queue devant la grande porte noire s’allonge donc jusqu’à plusieurs centaines de mètres. En hiver, il arrive souvent que les pauvres étrangers tombent malades à force d’attendre pendant des heures à l’extérieur. Une fois que la porte est ouverte, vous vous dites « ouf », car même si vous attendez toute une journée, cela se passera dans la salle d’attente, qui est bien plus chaude que dehors. La préfecture fonctionne selon l’ordre des tickets. La dernière fois, pour mon rendez-vous de 8h30, j’ai eu le dernier ticket et j’ai du attendre mon tour jusqu’à 16h30. Réservez donc tout votre temps à la salle d’attente de la préfecture. Je parle particulièrement de la préfecture de Sarcelles.
Ce qui est bien dans cette salle, c’est que vous ne vous ennuyez pas trop, mais prenez quand même un livre avec vous. Vous pouvez observer comment les employés traitent les personnes qui demandent un titre de séjour, les couples qui se disputent à cause du stress, à force d’attendre si longuement, les enfants qui courent, crient et pleurent. Pour les bébés c’est encore pire : ils ont faim, et le lait que leurs mères ont préparé à 4h du matin avant de partir à la préfecture est déjà froid. Et les bébés sont aussi têtus que les fonctionnaires de la préfecture, ils ne comprennent pas que leurs parents ne peuvent pas faire chauffer leur lait dans cet endroit. Dans la salle d’attente, il n’y pas assez de place pour s’asseoir, donc il faut attendre que quelqu’un libère sa chaise. A midi, les fonctionnaires partent manger, on ne sait pas où, car autour de la préfecture, il n’y a rien d’autre qu’une station essence : pour aller manger, il faut prendre le bus 200m plus loin et descendre au centre ville. Mais par peur de rater leur tour, les gens n’osent pas partir manger et préfèrent attendre, même si c’est le ventre vide.
En général, les gens essaient d’être très souriants devant les fonctionnaires qui se trouvent derrière leurs guichets, mais après 8h30 d’attente, les derniers demandeurs n’ont plus la force de sourire. Il faut pourtant se forcer à sourire un peu, sinon l’employé, déjà assez froid, vous traitera encore plus mal. « Attestation d’hébergement ! », « Attestation bancaire ! », « Acte de naissance ! », ils ne connaissent pas l’expression « s’il vous plait », car c’est vous qui êtes demandeur, et pas la préfecture !
Alors quand vous venez pour la première fois, vous devez attendre toute la journée pour prendre un rendez-vous qui vous sera donné un mois plus tard, au mieux, sinon deux. Ensuite vous devez venir une deuxième fois avec tous les justificatifs demandés et attendre encore une journée pour votre rendez-vous. Il faut toujours dire la vérité, et s’il vous manque quelque chose, l’agent acceptera quand même votre dossier en vous conseillant de lui envoyer le reste. Vous envoyez donc le document manquant, mais un mois après vous allez recevoir un courrier qui demandera soit le même document, soit encore un autre. Vous envoyez de nouveau ce qu’ils vous demandent, mais si vous n’avez vraiment pas de chance, un mois après vous allez continuer à recevoir des courriers de la préfecture. La date de traitement de dossier ne débutera qu’à partir du jour où l’agent a reçu les documents manquants. Et il faut compter largement 5 mois supplémentaires pour obtenir votre carte de séjour, qui sera valable un an, mais qui vous servira en réalité uniquement durant 7 mois.
Si vous posez des questions par rapport à leurs expériences vécues à la préfecture, les gens qui attendent dans la salle auront beaucoup à raconter : les étudiants qui se voient refuser leur titre de séjour, ou retarder à cause de leurs maigres ressources financières, ou encore à cause de leurs mauvaises notes dans certaines matières, les changements d’écoles, etc. Bientôt il va falloir écrire une lettre de motivation manuscrite pour demander le renouvellement du titre de séjour !!! Et pour les étudiants salariés qui demandent un changement de statut pour pouvoir signer un CDI, c’est encore pire.
Les étudiants étrangers, même s’ils sont diplômés, n’ont pas le droit de travailler en CDI, mais au maximum pour six mois. Et quand ils perdent leur emploi, ils n’ont pas le droit de toucher le RMI, car ils ne sont pas considérés comme des travailleurs. Par contre, ils doivent payer des impôts !!! Pour être considéré comme salarié, il faut changer de statut. L’employeur doit alors fournir une série de documents, y compris une lettre de motivation du Directeur. Il faut ensuite attendre que la préfecture réfléchisse et envoie ces documents à la main-d’œuvre étrangère du département. Vous devez donc attendre pendant cinq ou six mois. Si vous appelez la préfecture pour suivre votre dossier, elle vous répond que votre dossier est déjà parti au bureau de la main d’œuvre étrangère, et il faut que vous attendiez encore. Mais, sans ce papier, vous ne pouvez pas continuer à travailler. Au bout de cinq mois, si vous n’avez toujours rien, vous allez voir le bureau de la main d’œuvre étrangère qui se trouve à l’autre bout du monde, et vous allez recevoir une réponse qui va vous faire pleurer : ils n’ont pas reçu votre dossier, peut-être que la préfecture l’a perdu… Ensuite, le lendemain, vous partez de nouveau à la préfecture. Après toute une journée d’attente, la personne au guichet vous dit que la préfecture a bel et bien envoyé votre dossier au bureau de la main d’œuvre étrangère. A ce moment-là, vous ne savez pas s’il faut pleurer ou rire. Par contre, la personne ne veut absolument pas vous montrer une preuve attestant que le dossier a réellement été envoyé. Elle ne veut pas non plus appeler la main d’œuvre étrangère pour attester de son envoi. Vous allez donc rester sans rien pouvoir trouver concernant votre dossier. Vous repartez au bureau de la main d’œuvre étrangère, et ils vous envoient de nouveau à la préfecture. Mais à force de vous voir tous les jours, les personnes « souriantes » à l’accueil ne vous donneront même plus de ticket. Vous êtes alors condamné à attendre chez vous, sans déranger, ni surveiller le bon déroulement de l’avancée de votre dossier, et même si le délai a déjà largement été dépassé.
Tous ces fonctionnaires qui travaillent dans l’administration française semblent n’avoir jamais connu l’expérience d’être étranger ou de résider dans un pays pendant une longue durée. Ils n’ont de pitié pour personne et semblent s’amuser en envoyant ces étrangers de bureau en bureau, de guichet en guichet. Ce qui est le plus étonnant dans tout ça, c’est que la plupart de ces employés de l’administration sont souvent des français d’origine étrangère.